Véritable ouragan, la perte d’un être cher est un évènement de la vie qui nous interpelle dans toutes nos dimensions : émotionnelle, physique et même spirituelle.
Notre rapport à soi est bousculé, questionné et le deuil de “l’autre” transforme la relation à soi-même.
J’ai souhaité vous partager mon expérience. J’ai perdu ma maman il y a désormais 18 mois, atteinte de la maladie d’Alzheimer, c’est finalement un cancer qui l’emporte en trois mois.
Je vous livre quelques points qui ont fait l’objet de mon parcours personnel.
“Je perds une partie de mon identité”
Je ne suis désormais plus « fille de ». Je le reste dans les moments passés avec elle.
Mon papa est là. C’est autre chose, une autre relation. Il n’y a plus de nouveaux souvenirs à construire. Je dois vivre avec cette non perspective et me « contenter » de tout ce qui est déjà passé.
Alors je pense à ma façon d’être maman, elle y vit aussi ici ma maman. Dans les valeurs qu’elle m’a transmises et que je souhaite à mon tour transmettre.
“Je perds un lien unique”
Une maman, on en a une, une seule.
C’est le renoncement d’un lien unique et de l’amour inconditionnel. Encore aujourd’hui, je n’ai pas trouvé de façon d’être en paix avec cette idée. Mais je suis désormais en paix avec l’émotion qu’elle me fait ressentir. Ce n’est plus insoutenable. J’aime à me rappeler que c’est justement ce lien unique qui m’a permis de l’aimer si fort et d’être aimée en retour.
“Je rumine des regrets “
Avec son départ est venu son lot de questions auto-culpabilisantes
Ai-je vraiment été la fille que je voulais être pour elle ?
Ai-je vraiment été à la hauteur de son amour ?
Toutes ces questions qui s’amoncèlent et qui me projettent dans une version de moi-même dont je ne suis pas satisfaite.
Alors j’ai décidée de me concentrer sur le présent. Qui je souhaite être désormais ? Quelle serait une des meilleures façon d’être moi-même et de la rendre fière d’où elle est ?
“Je vois ma propre mort “
C’est donc moi la prochaine ? Cette pensée inconsciente crée au début des angoisses sur ma propre fin et l’avenir de mes enfants. Elle a laissé place aujourd’hui à une vision plus aidante et bénéfique : j’ai décidé de m’autoriser à vivre la vie que je voulais, consciente de sa préciosité. Je me suis faite la promesse de favoriser le plaisir et le sens dans mes actions. Cela a été le point de départ de ma reconversion professionnelle et mon travail personnel pour apprécier le moment présent.
“Et les liens sociaux ?”
Après les obsèques, le vide. La vie reprend son cours, plus de flot de messages pour prendre des nouvelles. On en veut presque aux gens !
On a parfois des pensées inappropriées: “Que peuvent-ils comprendre à ma peine sans être passés par là ?”
Et puis on se souvient de la même façon d’être allée à des obsèques, la vie reprenant pour moi dès l’après-midi. Comment pourrait-il en être autrement pour les autres ? On comprend aussi que parler de la mort ne soit pas simple pour tout le monde. On accepte les vraies marques d’attention et d’écoute même si elles diminuent. On accueille aussi les douleurs des autres.
“Je me sens impuissante”
En tant qu’être humain notre bien-être réside en partie sur le contrôle que nous avons sur notre environnement.
Alors quand la maladie, incurable, est diagnostiquée, c’est une annonce violente, très violente. On a personne à qui en vouloir, on se déchaine contre un moulin à vent, on ne peut pas se résoudre à cette nouvelle. On en finit même par vouloir à tout prix trouver un responsable : la médecine…soi-même ! Et puis vient le jour où l’on se concentre sur ce qui est encore en notre pouvoir : l’accompagner décemment jusqu’à la fin, être là.
“Je ne suis pas productive”
J’ai fait le choix de retourner au travail dès la fin des jours autorisés pour décès. Avec le recul je savais que ce n’était pas raisonnable. J’avais été aidante durant plusieurs mois, la fatigue s’était accumulée. Mais je souffrais de ne pas « donner le meilleur de moi-même ». C’est mon corps qui a dit stop. Si on peut mentir à son esprit, le corps sait tout. J’ai dû accepter cette mise au repos, au début avec difficulté, puis avec résilience par la suite, comme un arrêt sur image qui m’a permis de me reconstruire et de trouver ma mission de vie.
J’ai souhaité terminer cet article en partageant avec vous ce qui m’a permis de vivre mon deuil (certains diront de faire son deuil)
- J’ai accepté que la peine revienne me chercher parfois, sans raison. Je l’accueille, sans volonté de la comprendre, et je profite de cet instant pour me reconnecter à ma maman.
- J’ai lu un texte qui disait : Si on ne peut pas pleurer le jour de la mort d’un être cher, quand peut-on le faire ? Cette phrase a changé ma façon de vivre les larmes. Je les ai laissé couler.
- L’oxygène de l’estime c’est l’action. J’ai pris du temps de repos et j’ai aussi continuer à être dans le quotidien et ses « banalités » pour rester ancrée à ce qui était : la cuisine, les promenades, mes amis, les sorties. Sans me forcer dans les moments les plus durs mais parfois dépasser cette tentation de rester dans ma solitude.
- J’ai pris confiance en les autres : dans leur leur capacité à m’écouter, en considérant aussi leurs douleurs
- J’ai accepté ce coin de solitude à l’intérieur de moi, inaccessible pour les autres. Si on a tendance à le fuir au début, il constitue par la suite un lieu de recueillement, de calme et de recentrage.
- Je me suis pardonnée de ne pas avoir été la fille parfaite, j’ai regardé les souvenirs avec une nouvelle lecture.
- J’ai pleuré, beaucoup, sans me demander si c’était opportun. Et quand javais pleuré suffisamment, je me laissais doucement éveillée par la vie qui continue. J’ai aussi laissé la place à des émotions joyeuses sans culpabiliser.
- J’ai accepté de prendre le temps d’aller mieux. La tristesse quotidienne a commencé à laisser des moments de répit et puis un jour l’envie d’aller de l’avant se rappelle à nous.
- J’ai beaucoup écrit : mes émotions, mes pensées, j’ai écrit aussi les derniers moments passés avec elle. Cela m’a fait beaucoup de bien.
Ceci est mon témoignage, il est donc personnel. Chacun vit le deuil a sa façon, il n’y a pas d’échelle d’intensité, ni d’échelle d’émotions, ni même de manuel prêt à l’emploi. Se faire aider sur ce chemin est parfois nécessaire. Dans tous les cas, il vous appartient, ce chemin, vers vous et aussi vers celui qui est parti. Un lien nouveau s’est créé.
Prenez-soin de vous.
Octavie.
A toi maman…
Merci Octavie pour ce témoignage, je ne l’avais pas encore lu, comme nos discussions il me fait du bien, pleurer aussi mais c’est le chemin… je t’embrasse